Home » Centre de Cri - Poste » Facteur d’avenir – Coussay-les Bois

Facteur d’avenir – Coussay-les Bois

La Poste, ce ne sont pas les facteurs qui en parlent le mieux, et encore moins les facteurs du passé. C’était le banquet annuel des facteurs, à Coussay-les-Bois, près de la Roche Posay. Grosse ambiance dans la salle des fêtes, à l’heure de l’apéro avant de se mettre à table, 200 personnes attendues. Les agents du Cri sont arrivés, je les avais pris pour des facteurs, mais en réalité c’est plus compliqué. Ils se sont mis à nous parler, nous, les vrais facteurs et, à mesure que les verres se vidaient, les langues se déliaient. Au début, j’avoue, j’ai douté, j’ai cru à des taupes chargés de renseigner les patrons de La Poste.

Ils ont voulu interroger l’organisateur du banquet, d’abord, un jeune facteur en activité remonté contre La Poste. Comme ils étaient vêtus en jaune et bleu, il leur a demandé s’ils étaient des postiers. Ils ont seulement répondu vaguement qu’ils s’appliquaient à imiter La Poste, pour savoir si c’est efficace, mais pour l’organisateur du banquet des facteurs c’était « une mauvaise idée parce qu’à La Poste ils foutent en l’air l’entreprise ». Ce n’était pas le seul à le dire, chaque fois que les agents du Cri abordaient un facteur c’était le même cri, avec les prolongements politiques, « le vote Sarkozy c’était la disparition des fonctionnaires, alors on y va, on applique le programme.

Au point que la difficulté de faire venir au banquet des facteurs en activité pratiquement absents comparé à nous les anciens alors, ça résulterait de la tension sociale parce que « les patrons veulent tuer le relationnel, la solidarité entre les facteurs ».

_

Le moment fort, c’est quand ils ont parlé à Bibi, c’est l’exemple du relationnel Bibi, et pas parce qu’il avait une anecdote à nous raconter chaque fois qu’il rentrait de tournée, quand il exerçait, notamment les conquêtes à gros seins, mais parce qu’il donne une idée de cette relation aux gens qui disparaît, qui appartient à une époque révolue. « La Poste c’est le laisser aller complet maintenant, il n’y a plus de discipline, on fait plus les mandats, avant on amenait les beef steak, on passait à la pharmacie avec l’ordonnance et on avait 5% ou des pourboires.

Un agent du Cri a remarqué qu’aujourd’hui c’est plus possible de se balader avec l’argent des mandats, des comptes courants et du carnet d’épargne. C’est fini les chariots tirés sur les trottoirs, les chemins de terre en deux-chevaux et les tournées qu’on garde jusqu’à la retraite. Le monde a changé, pas seulement La Poste. « Maintenant on ne distribue plus que de la merde sans adresse et des factures, le facteur, on lui voit le dos, le mien je ne sais même pas qui c’est ».

« Moi je sais, ironise un ami, c’est le facteur d’avenir ». C’est celui qui ne peut plus prendre une lettre à cause des normes européennes et de la concurrence et à qui vous pouvez toujours demander de vous déposer au village, il n’a pas de siège passager dans sa voiture et c’est strictement interdit. C’est la victoire de la norme et de la précision des taches.

D’ailleurs si les fonctionnaires de La Poste, comme à l’Education Nationale, tendent à être remplacés par des auxiliaires sous contrat privé, pas moyen de faire croire à cet ancien receveur que La Poste reste un enjeu stratégique pour l’État, et qu’elle ne peut disparaître. La Preuve, les agents du Cri ont fait toutes les postes de Châtellerault pendant la grève du 29 janvier, elles étaient ouvertes à cause de la continuité du service public, vitale pour l’État en cas de crise. Bien sûr, tous les guichets étaient fermés, mais il y avait le directeur et des employés. « Il faut savoir que les grévistes étaient titulaires, et je vais vous dire, quand j’étais à Paris, il y avait eu grève et je me suis retrouvé tout seul dans la poste. Je n’ai donc pas ouvert mais à Paris il y a tous les gens important alors le téléphone arabe ou je ne sais quoi, on m’a téléphoné pour que j’ouvre mais j’ai tenu bon.

La Poste dont parle nos facteurs est celle qui ne s’est pas encore mis à l’heure européenne, qui n’a pas encore internet et la concurrence des services, qui a le monopole des communications. C’est la Poste qui subit de plein fouet la rapide mutation du monde.