Le boucher est en tournée!

Le bonheur est dans le pré!  Belle idée. Belle image au printemps quand les prairies vertes et parfois naturelles s’illuminent des éclats jaunes des boutons d’or et que les chevaux gambadent dedans.  Le quotidien des ruraux, même si le cadre est favorable, ne peux pas se résumer à une image d’Épinal car ce n’est pas facile de vivre à la campagne lorsque la plupart des énergies se sont concentrées dans les villes. Les commerces disparaissent, se maintiennent difficilement ou ont du mal à s’installer et à décoller. Certains petits entrepreneurs, plutôt courageux et ne comptant  pas leurs heures persistent en trouvant des solutions pour maintenir  leurs activités commerciales  sans y laisser leur peau.

Colporteur

Colporteur

Les bouchers charcutiers s’organisent en prenant les décisions qui s’imposent. Ils sont nombreux à laisser le magasin pour ne conserver que le laboratoire, le lieu où ils fabriquent les produits. Le reste du temps, ils le passent sur les routes en tournée. Ils viennent jusqu’à la porte du consommateur. Ce sont les colporteurs des temps modernes. Ils apportent plus que les étales sous le nez des habitants des hameaux les plus reculés, ils rendent aussi quelques services, surtout aux anciens et, tout comme le facteur, ils amènent un peu de vie et de bon humeur à cette population isolée. A quand le remboursement par la Sécu de toutes ces prestations! Alors que celle-ci maintient en ville des médecins qui sont devenus de véritables épiciers!  C’est bizarre se  retournement de situation. Ces marchands ambulants sont devenus des liens de relations humaines entre les vivants de ses territoires isolés.

Yannick Lefort est devenu, lui aussi, saltimbanque des routes de sa commune et de ses environs.  Il est boucher charcutier à Leigné les bois et pour le trouver, il faut repérer son fourgon qui transporte son magasin. Il est attendu de pied ferme par ses clients qui le considèrent un peu comme un membre de la famille, de cette tribu qui a refusé de succomber aux mirages de la ville. Pour un boucher charcutier, il est plutôt frêle et ne pourrait pas porter à lui tout seul un cochon entier pour le transporter. Mais le  principal, c’est qu’il est sympa, disponible et que sa viande et ses produits sont plutôt très bons… pour ceux qui ne sont pas végétariens comme dirait la petite dame de la rue de la Chauffetière. Il n’aime pas trop l’hiver et nous reviendrons le surprendre sur sa tournée au printemps quand il arrivera chez Liliane, une retraité qui vaut son pesant d’or. Cette dame fabrique encore son petit fromage de chèvre avec ses deux biquettes, aidé par son mari Michel, ancien des ponts et chaussées, qui fait le foin pour l’hiver. Elle a un regard incomparable sur le monde avec pour seul fenêtre la télé qu’elle regarde avec un œil des plus critiques. Extraordinaire! Je crois que je vais aller regarder les J.O d’hiver de Vancouver chez elle.  Contact boucherie : 0549866392

Le Temps du Vals de Gartempe

Je vous rappelle que c’est Jeudi et que le jeudi, sur notre blog, c’est le jour de l’Evénement, et qu’en ce moment, on s’intéresse particulièrement à un coin de campagne humaine, dans le canton de Pleumartin, sur la commune de Vicq-sur-Gartempe, dans le Poitou, ou peut-être la Touraine ou même le Berry soyons fous. Nous savons bien que les frontières humaines sont fluctuantes au gré des conquêtes et des refontes administratives. Alors soit, nous sommes poitevins, soyons raisonnable, et la Poste l’est aussi, autant que le temps présent. Comme les grands journaux elle suit les découpages. Et nous, puisque notre rôle c’est d’être poète, on admire la beauté des cartographies. Comme celle du livre de Robert Ducluzeau et François Bigot, sur l’évolution des frontières extérieures et intérieures depuis l’Ancien Régime. Et on voit bien qu’elles bougent, ces frontières, comme les rives de la Creuse ou le littoral marécageux de Villeneuve-les-Maguelones. Les lignes tracées comme des illustrations enfantines cachent la négociation dure de la politique. Le facteur Pierre Denis était poitevin et nous filons le long de la Gartempe, la Creuse et la Claise, pour irriguer les trois pays. Jamais deux fois la même eau dans le même fleuve, disait le philosophe Héraclite. C’est que le temps des fleuves est infini, il part de la nuit des temps et y retourne, dans un progrès continu et sans retour. Contrairement au facteur, il ne revient jamais.

Claude Genet

Claude Genet

Voici le temps du Vals. De la Gartempe. Voici l’étrange malédiction des limites. Elles n’ont elles-mêmes pas de limites. Les limites qui changent, sans cesse, qui sont le lieu du changement et du mouvement, c’est aussi celles du monde de l’entre-deux guerres, juste avant l’apparition des inquiétants congés payés qui envahiront les plages réservées de Deauville, le paradis terrestre, comme l’explique le site de la commune. A cette époque, le facteur était quasiment un notable, en tout cas un personnage lettré et le garde champêtre avait des pratiques un peu louche. C’est ce que raconte le grand père jean, devant La Poste. Le garde champêtre (Auguste), c’était le père du père de Jean. Disons qu’il avait une attitude pas trop technique. Quand le préfet s’inquiétait des faibles performances du garde, c’était difficile de lui expliquer que le plus braconnier n’est pas toujours celui qu’on croit. C’est comme les gendarmes. Ils avaient pas la précison et les belles voitures d’aujourd’hui. Et puis tout passe comme la Gartempe. Même ces gens qui nous voient au milieu de la route, devant La Poste, et qui s’arrêtent pour savoir ce qui se passe. Alors je leur dis que nous retraçons la tournée du facteur Pierre Denis, entre les années 20 et les 60 du siècle dernier. On était pas là, on peut pas vous renseigner, me répondent-il, et ils poursuivent leur chemin. Certes. Moi non plus je n’étais pas là. C’est justement ça le temps, on ne le retrouve pas, mais on ne le perd pas forcément. Enfin, on s’est quand même mis en route. Le grand père Jean a la tournée dans la tête. Il parle. A peine atteint l’angle de la place, on croise une vieille connaissance, Claude, qui revient d’un tour en bicyclette. A voir notre aimable compagnie, il est hilare. Mais si vous commencez à vous arretez à chaque fois, on est pas arrivés. En route, en route, le temps passe! C’est qu’une tournée, c’est réglé comme une pendule. Prochaine étape, épicerie Lambert.

Trois générations au départ

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