Le Temps du Vals de Gartempe

Je vous rappelle que c’est Jeudi et que le jeudi, sur notre blog, c’est le jour de l’Evénement, et qu’en ce moment, on s’intéresse particulièrement à un coin de campagne humaine, dans le canton de Pleumartin, sur la commune de Vicq-sur-Gartempe, dans le Poitou, ou peut-être la Touraine ou même le Berry soyons fous. Nous savons bien que les frontières humaines sont fluctuantes au gré des conquêtes et des refontes administratives. Alors soit, nous sommes poitevins, soyons raisonnable, et la Poste l’est aussi, autant que le temps présent. Comme les grands journaux elle suit les découpages. Et nous, puisque notre rôle c’est d’être poète, on admire la beauté des cartographies. Comme celle du livre de Robert Ducluzeau et François Bigot, sur l’évolution des frontières extérieures et intérieures depuis l’Ancien Régime. Et on voit bien qu’elles bougent, ces frontières, comme les rives de la Creuse ou le littoral marécageux de Villeneuve-les-Maguelones. Les lignes tracées comme des illustrations enfantines cachent la négociation dure de la politique. Le facteur Pierre Denis était poitevin et nous filons le long de la Gartempe, la Creuse et la Claise, pour irriguer les trois pays. Jamais deux fois la même eau dans le même fleuve, disait le philosophe Héraclite. C’est que le temps des fleuves est infini, il part de la nuit des temps et y retourne, dans un progrès continu et sans retour. Contrairement au facteur, il ne revient jamais.

Claude Genet

Claude Genet

Voici le temps du Vals. De la Gartempe. Voici l’étrange malédiction des limites. Elles n’ont elles-mêmes pas de limites. Les limites qui changent, sans cesse, qui sont le lieu du changement et du mouvement, c’est aussi celles du monde de l’entre-deux guerres, juste avant l’apparition des inquiétants congés payés qui envahiront les plages réservées de Deauville, le paradis terrestre, comme l’explique le site de la commune. A cette époque, le facteur était quasiment un notable, en tout cas un personnage lettré et le garde champêtre avait des pratiques un peu louche. C’est ce que raconte le grand père jean, devant La Poste. Le garde champêtre (Auguste), c’était le père du père de Jean. Disons qu’il avait une attitude pas trop technique. Quand le préfet s’inquiétait des faibles performances du garde, c’était difficile de lui expliquer que le plus braconnier n’est pas toujours celui qu’on croit. C’est comme les gendarmes. Ils avaient pas la précison et les belles voitures d’aujourd’hui. Et puis tout passe comme la Gartempe. Même ces gens qui nous voient au milieu de la route, devant La Poste, et qui s’arrêtent pour savoir ce qui se passe. Alors je leur dis que nous retraçons la tournée du facteur Pierre Denis, entre les années 20 et les 60 du siècle dernier. On était pas là, on peut pas vous renseigner, me répondent-il, et ils poursuivent leur chemin. Certes. Moi non plus je n’étais pas là. C’est justement ça le temps, on ne le retrouve pas, mais on ne le perd pas forcément. Enfin, on s’est quand même mis en route. Le grand père Jean a la tournée dans la tête. Il parle. A peine atteint l’angle de la place, on croise une vieille connaissance, Claude, qui revient d’un tour en bicyclette. A voir notre aimable compagnie, il est hilare. Mais si vous commencez à vous arretez à chaque fois, on est pas arrivés. En route, en route, le temps passe! C’est qu’une tournée, c’est réglé comme une pendule. Prochaine étape, épicerie Lambert.

Trois générations au départ

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L’origine du facteur

Il est 9 heures à Vicq-sur-Gartempe. Nous sommes aux alentours de l’an 1920, l’Europe est entre deux catastrophes et le Général François-Henry Laperrine s’apprête à vivre l’aventure aéronautique à l’origine du Petit Prince. Il part en solitaire pour traverser le Sahara, doit se poser en urgence et finit par mourir d’épuisement dans le désert. Le confort moderne des long-courriers en est à ses balbutiements. L’ère des communications approche.

Trois générations au départ

Trois générations au départ

Saint-Exupéry, le grand facteur, n’a pas oublié cette histoire. A cette époque, le jeune Pierre Denis a dû en entendre parler, lui aussi. Il est agriculteur dans le canton de Pleumartin et il a l’occasion de remplacer le facteur qui est mort. Autant dire l’occasion de se mettre à la marche à pied et à la bicyclette. Et à la mise à niveau pour passer les concours qui feront de lui un titulaire en 1935, l’année de naissance de son fils Jean, qui raconte son histoire, sa tournée.

La Poste de Vicq

La Poste de Vicq

Une tournée longue de 8heures. Ou plus, ou moins, il faudra qu’il soit de retour avant le départ du fourgon avec le courrier à 17 heures. Qu’il neige, qu’il vente. 25 kilomètres de paysages. C’est parti pour la tournée N°1. Le bourg d’abord, puis les alentours. Il me semble que nous allons parler, avec l’épaisseur du temps, de sa richesse et des choix qu’il nous propose. Non pas pour refuser le Confort Moderne en bloc mais pour le voir venir, et chercher, dans la profondeur du Temps, ce qui nous conviendrait le mieux, aujourd’hui.

Choisir. En avant!

L’Evènement du jeudi

Les fidèles du mouvement postal s’en souviennent, le directeur du Centre de Cri avait informé La Poste qu’il commençait le Test O. C’était à Vicq-sur-Gartempe, il avait posté une lettre dans le bureau même où son grand père avait été facteur, le facteur Pierre Denis. Il informait les services de communication postale en Touraine et en Poitou, qu’une oeuvre d’art allait être postée à Besançon, dans une enveloppe portant seulement l’adresse Centre de Cri et rien d’autre. Louis Iosub, le directeur de la communication à Tours, nous avait répondu qu’il informait ses collègues pour que l’oeuvre d’Art soit acheminée sans encombre. Côté Poitiers, pas de réponse. Le lendemain, Louis Iosub m’envoyait un mail demandant de le rappeler par téléphone. Ce que je n’ai pas fait, préférant attendre l’arrivée de l’oeuvre d’Art.

Le directeur prévient les directeurs de la communication postale

Seulement, l’oeuvre n’est jamais arrivée. Elle est quelque part en souffrance, piégée dans les services postaux, peut-être détruite. Dans le même temps nous avions demandé à nos amis et collègues de nous envoyer leur cri de partout en France, dans une enveloppe affranchie pourtant la seule adresse Centre de Cri. Des dizaines de lettres ont été expédiées, après l’oeuvre d’Art. Y compris du Grand Pressigny qui n’est pourtant qu’à quelques kilomètres de la Minoterie, siège du Mouvement Postal. Or aucune de ces lettres n’étant parvenu, compte tenu que nous avions résolu de ne plus communiquer avec La Poste avant réception, nous étions dans une situation désespérée.

Jusqu’au jour où, après le test O et son échec, le directeur a décidé de lancer l’Evénement du Jeudi. Nous étions parti sur les traces de Jean-François Kahn, le créateur de ce journal disparu, et qui est également responsable de Marianne, confrère dont nous saluons la venue au monde. Nous étions à la recherche de la maison de son enfance au Petit Pressigny, quand il nous est venu, nous aussi, l’idée de tourner une sorte d’Evénement du Jeudi sur l’internet, qui ne serait d’abord qu’une page qui paraîtrait dans un des blogs estampillé Centre de Cri, et qui se donnerait comme objectif une réflexion sur le monde moderne, ou plutôt le Confort Moderne.

La première lettre est arrivée la veille de la tournée

C’est pourquoi ma première idée un peu naïve avait-elle été de proposer une tournée du facteur qui consistait à suivre un facteur.

Une bien meilleurs idée était en germe dans le crâne du directeur, alors qu’il rendait hommage à son grand père, en postant les lettres destinées aux directeurs de la communication postale. Car ce qu’il avait fait ce jour-là, ce n’était pas seulement rendre hommage au facteur Pierre Denis en lançant le Test O du Mouvement Postal, lui donnant son point de départ. C’était également donner rendez-vous à nos lecteurs, nos agitateurs et nos penseurs pour le jour du départ de la tournée revisitée, qui a eu lieu samedi dernier à Vicq-sur-Gartempe. Et encore, pas entièrement, car la tournée du facteur Pierre Denis est immense. 25 kilomètres par jour, entre neuf heures le matin et dix-sept heures du soir, à vélo ou à pied en fonction du chemin et de la boue, c’est ce qui s’appelle le confort moderne.

Or, la veille, nous avons reçu une lettre enfin, une seule, après des semaines d’attente. Ce n’était pas l’oeuvre d’Art de Besançon, mais celle d’un de nos élèves, partie de la Rochelle. Nous contacterons le bureau de poste pour en savoir plus. L’opération Test O n’était donc pas totalement un échec, peut-être le début d’une grande réussite.

Sur les traces du facteur Pierre Denis sur ce blog tous les jeudis

Sur les traces du facteur Pierre Denis sur ce blog tous les jeudis

Samedi donc, nous sommes parti sur les traces du facteur Pierre Denis, qui serait âgé aujourd’hui de plus de cent ans. Jamais tournée ne fut si pleine de péripéties, de rencontres, de témoignages. Le confort moderne dans un village mourant, ça ne se compare pas à la vie d’autrefois. A tous les coins de rue, l’imagination sautille et veut savoir ce qui s’est passé à la mort du facteur. Ci où là l’esprit philosophe et pose les grandes questions, pourquoi finalement a-t-on fermé l’école au lieu d’en construire une autre? Et qui comptait sur le facteur quand la télévision n’existait pas? Et que les facteurs n’avaient pas de voitures. Que les facteurs mangeaient et buvaient beaucoup au passage. Qu’ils rendaient tel service. Qu’ils savaient tout. De hameau en hameau, et même parfois de verre en verre, notre soif de connaissance ne parvient pas à quitter le comptoir. On veut faire descendre cet agriculteur de son tracteur géant, redonner de la presse à cet employé menacé par le chômage, goûter encore de ce rouge bien teinté, ouvrir cette vitrine fermée depuis des lustres.

Expliquer à cette passante qui veut nous confier son courrier que si nous travaillons dans la communication postale, nous ne sommes pas des facteurs du passé, ou du présent, peut-être de l’avenir. Désormais nous ouvrons cette page, tous les jeudis, l’Evènement du Jeudi. Pour mieux comprendre le Confort Moderne avec tous les moyens qui n’était pas ceux de Pierre Denis, comme je vous dis. Raconter sa tournée et celle, la sienne, que nous referons encore. Car, loin d’avoir tout vu et tout noté, avec le Confort moderne on ne sait jamais.

La tournée de Pierre Denis

Samedi 8 août 2009 c’est le repérage de la tournée du facteur Pierre Denis à Vicq-sur-Gartempe. L’endroit, c’est le parcours effectué par le personnage postal, sa tournée de distribution de lettres. Le personnage, c’est un facteur qui a travaillé pour la poste de Vicq-sur-Gartempe avant, pendant, et après la guerre de 39-45. Le narrateur c’est son fils qui se remémore les lieux, les gens et les anecdotes à propos de son père. L’action, c’est tourné, enregistré, conçu et animé par l’équipe du Centre de Cri au long de cette première journée de repérage et de rencontres.

Sined, petit fis de Pierre Denis, se prend pour le directeur du Centre Cri, et s’est lancé dans une bien intéressante aventure, patrimoniale et créative, c’est la tournée du facteur. Il a décidé de suivre avec son père le chemin de son Grand Père qui était facteur avant, pendant et après la guerre à Vicq-sur-Gartempe. Il s’agit donc d’un travail de mémoire et de repérage, des lieux, des histoires et des gens dont le père se souvient. Il s’agit aussi d’une promenade pour le repérage d’un éventuel documentaire sur le Val de Gartempe. Sined sera accompagné de son équipe du Centre de Cri, ses nombreux posteurs imposteurs, pour noter les souvenirs et visiter le pays tel qu’il est aujourd’hui.

Le facteur est aussi un individu social. On le croise encore dans notre France reculée et moderne malgré tout, puisqu’elle a accès à notre blog. C’est la France qui résiste au progrès inexorable du Confort moderne. C’est la France qui résiste pour combien de temps encore à la toute puissance de la ville et au conglomérat urbain. En suivant la mémoire de père grand père facteur militant communiste et résistant, c’est sans doute cette France-là que cherche a retrouver ou peut-être reconstituer le directeur du Centre de Cri. Il cherche peut-être à vérifier pour se rassurer, que l’humanité s’y trouve encore prête à réagir et à faire passer dans le dédale des mondes cachés de la campagne un fil qui relierait les gens entre eux.

Il y a deux mois nous avions demandé à La poste d’acheminer des lettres postées par des gens de toute la France et portant la seule mention Centre de Cri. C’était le début du mouvement postal. Les lettres, envoyés par des artistes et des gens ordinaires sont peut-être en train de périr dans les oubliettes ou on peut-être été brûlées. Nous ne les avons pas oubliées. Nous ne le savons pas où, il faudrait demander à Louis Iosub, chargé de la communication de La Poste en Touraine du Sud, qui est au courant de l’opération. La tournée du facteur sera l’occasion de faire connaître notre démarche artistique, politique et amoureuse. Vous pouvez vous joindre à nous ou suivre les progrès de notre démarche sur ce blog.

A l’occasion de notre tournée du Facteur Pierre Denis, nous distribuerons des enveloppes portant la seule adresse Centre de Cri qui devrons être remplies de ce que les gens voudrons, des lettres, des photos, des euros, et postée à Vicq-sur-Gartempe. Ceux qui veulent nous aider dans le premier documentaire de mémoire et de création, ne doivent pas se priver d’intervenir et d’inventer.

Trois générations au départ

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