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La Saint Blaise de Lésigny mon retour au pays

Le samedi 23 janvier, c’est la sainte Blaise à Lésigny sur creuse sous la présidence de Claude VOYER. Les «hostilités» vont commencer à 16h30 devant chez moi, ancien président, à la Minoterie où un premier cortège va remonter les rues du village en fanfare pour aller se présenter au domicile du nouveau président. Muni de l’aiguillon, symbole de cette fête, je vais faire la passation de la présidence en remettant l’objet. Premier vin d’honneur suivi d’un défilé qui nous mènera à l’église pour la cérémonie qui sera célébrée par le bon père Jean-Pierre à 18h. A nouveau défilé en fanfare puis un autre vin d’honneur à 19h suivi du Banquet. L’année dernière, j’avais fait un article, paru dans le bulletin municipal, pour expliquer les origines de cette fête en voici le détail:

Le défilé en banda et stars d'un jour

Le défilé en banda et stars d'un jour

Les autochtones, les gens du coin, les ruraux, ceux qui sont nés ici, le savent! Et les autres, ceux qui viennent d’ailleurs et souvent de la ville… Et ben, ceux là, ils vont voir débarquer chez eux, au début de l’hiver, à la nuit tombante, après le boulot, à l’heure où l’on n’a plus envie de voir personne, deux ou trois gars patibulaires avec un grand sourire aimable et qui leurs diront «on passe pour la Saint Blaise». Ces gars là, ce ne sont pas les pompiers, ni le facteur, ni les footeux, qui viendraient présenter le calendrier. Et bien non, ceux là, ils vous présentent la CARTE, ce fameux sésame qui vous donnera le droit d’entrée au BANQUET de la fête des laboureurs et des travailleurs réunis.

Car, il faut vous dire, qu’ici aux confins de la Vienne et de l’Indre et Loire, après les fêtes de fin d’année, on ne s’arrête pas là, on en remet une couche: on ripaille encore une fois. Autour de tables dressées, décorées de gerbes de blé et cocardes tricolores, dans la salle communale, les détenteurs de la fameuse CARTE dégusteront un menu gastronomique préparé par un traiteur engagé pour l’occasion. Et alors, on boira un premier coup, on parlera un peu, on écoutera un discours, on boira un autre coup, on mangera l’entrée, on reboira un coup, Camille, sorte de Coluche local, nous en racontera des bien bonnes de sa jeunesse et aussi des plus récentes parce que lui, il vit la vie! on commencera vraiment à parler fort, Monique nous déclamera un poème que certains n’écouteront pas et se feront engueuler en retour parce qu’il ne respectent pas l’art des autres, on reboira un autre coup, on attaquera le prochain plat apporté par des serveurs sympas, le père Lucien nous chantera une ritournelle que plus personne ne connaît, et pis voilà, on se mettra à parler encore plus fort,… Au bout d’un moment, il n’y aura plus rien à manger, alors, on ira aider la digestion en essayant de danser sur les airs de bal musette. C’est ainsi que cela se passe, ce n’est pas extraordinaire mais on aime ça tout simplement car c’est humain.

Le président en costume républicain

Le président en costume républicain

Quelle est l’origine de cette fête ?…traditionnelle !

Certes l’homme a honoré et célébré la terre, notre mère nourricière, depuis les temps reculés. Mais en menant la recherche autour de la SAINT BLAISE, on s’aperçoit que son apparition remonte à une époque pas si lointaine, tout juste à la fin du 18ème siècle, et qu’elle serait une des nombreuses conséquences de notre révolution française, ce moment de l’histoire qui a tant marqué notre démocratie. Certains hommes politiques de l’époque, tel que monsieur de Robespierre, éclairés par les lumières de philosophes comme Jean Jacques Rousseau, auraient considéré qu’il était souhaitable de créer des fêtes nationales dont celle de l’agriculture. Considérées comme éléments fédérateurs, ils pensaient que les manifestations fraternelles, feraient évoluer le genre humain. «Rassemblez les hommes, vous les rendrez meilleurs…» pensaient-ils. Et considérant que l’agriculture est le premier des arts, tout bon citoyen devait en célébrer la fête. C’est ainsi que dans nos régions, au moment où la terre se repose, nous vîmes apparaître cette fête. Elle s’organisait autour d’un ensemble de rituels faits notamment de cortèges de laboureurs suivis et précédés de chars, ornés de végétaux et tirés par des bœufs. Ils représentaient sous formes de symboles les instruments du travail de la terre et sous formes d’allégories les laboureurs dans les différentes scènes de leur labeur. Des chants accompagnaient les défilés et l’on pouvait entendre sur un air de la Marseillaise les paroles suivantes «aux armes laboureurs, prenez votre aiguillon! Marchez et que la charrue ouvre un large sillon».

Avec le 19ème siècle, ces fêtes patriotiques ont disparu car dans son désir de conquérir le monde, Napoléon 1er s’est alors plutôt préoccupé de ses campagnes (guerrières) que de la campagne!

C’est dans la 2ème moitié  du 19ème siècle, sous la 2ème république, que vont renaître des manifestations agricoles appelées Comices, sorte d’assemblées de spécialistes de l’agriculture venant échanger les expériences de chacun afin d’améliorer les pratiques et les procédés agricoles.

Au début du 20ème siècle, tout en conservant l’organisation des Comices annuels, les fêtes de l’agriculture réapparurent dans le sud Touraine et le nord est Vienne. Elles furent appelées «fête des laboureurs», du nom des travailleurs de la terre, et aussi «Saint Blaise» du nom du saint patron des éleveurs de bœufs.

Après les privations de la 2ème guerre mondiale, elles repartirent de plus belle. Il suffit de regarder les menus des années 50 pour s’apercevoir que le banquet était une véritable ripaille gargantuesque. Par exemple, le 15 février 1953, le traiteur de l’époque, monsieur Primault de Coussay, proposait pour le repas: potage de cheveux d’ange, hors d’œuvre varié, tête de veau ravigote, gigot de pré-salé, haricots verts, rôti, poulet de grain sur cresson, salade de saison, dessert, savarin à la crème, corbeilles de fruits, et tout cela arrosé par des vins de Loire.

Dans les années 60, à l’époque où la télé ne dictait pas encore la vie des gens, ces fêtes faisaient l’objet de préparations importantes, de veillées où chacun s’affairait à concevoir le plus beau char possible. Et pendant la fameuse journée, nous les gamins du village, nous paradions fiers sur notre char, heureux de faire partie d’une communauté d’homme dont la vie avait un sens… Ce rêve se brisa pour nombre d’entre nous quand, à la fin de cette décennie, nous dûmes emprunter le chemin de l’exode rural. Finalement, quand un ancien président, bien inspiré, me demanda de prendre une future présidence, j’ai compris que j’accomplissais enfin mon retour tant désiré au pays. Merci à toi l’ami!

A Lésigny, cette manifestation perdit de son ampleur dans les années 70 et devint très confidentielle car il n’y avait plus que quelques convives autour de la table du banquet. Au début des années 80, sous l’impulsion de Michel Dechesne, alors président du Syndicat d’ Initiative, la fête de la Saint Blaise fut remise au goût du jour, maintenue et prise en charge par cette association. En 1986, à nouveau, un président fut nommé, Daniel Tremblais et un vice président, Michel Nouhaud. Et de leurs efforts conjoints, la fête reprit une certaine importance en termes de fréquentation. N’oublions pas les présidents suivants qui ont maintenu le rythme pour qu’elle perdure jusqu’à nos jours. Alors, Continuons !

une cérémonie en chansons

une cérémonie en chansons

Quel est le sens de cette fête, aujourd’hui, pour moi, président d’un jour?

Aujourd’hui, cette journée de fête rassemble des concitoyens natifs du village et les autres venus d’ailleurs qui ne pratiquent pas de métiers liés à l’agriculture. C’est pour cela qu’il serait préférable de renommer cette manifestation soit « fête du monde rural » ou « fête de la ruralité ». Car les campagnes maintenant regroupent des gens dont les projets s’articulent plutôt autour du retour à la nature comme un idéal de vie. Pour moi, cette journée n’est donc pas qu’un moment où l’on prolongerait mécaniquement une tradition, c’est l’occasion d’entretenir et de développer la fraternité et la solidarité si nécessaire entre nous les hommes pour faire face ensemble aux vicissitudes de la vie. En mettant ma touche personnelle à ce moment festif, je voudrais apporter ma pierre à cette construction du mieux vivre ensemble dont je souhaite qu’il soit partagé par le plus grand nombre. Parole d’humaniste. Alors, quand vous nous recevrez, j’espère que vous comprendrez mieux le sens de notre visite, les vices présidents et moi-même, président d’un jour que je vous souhaite beau.