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Grand Pressigny La Poésie prend l’air

Gaëlle Boutet, professeur de français au Collège Louis Léger, du Grand Pressigny, annonce qu’une boîte aux lettres est à la disposition de ceux qui veulent déposer des poèmes, pour une lecture publique par ses élèves, en différents points du village le 4 juin.

Déposez vos poèmes dans l’urne devant l’Office du Tourisme (pendant les heures d’ouverture).

Je m’étais dit, les cochons, il faut bien qu’ils vivent eux aussi. Bien sûr, les cochons n’auront jamais froid au yeux quand l’amour pique, ou mal au coeur après un repas trop arrosé. Mais ça ne fait rien, ce sont des êtres quand même. Aussi, je ne regrette pas de jeter chaque jour mes perles à ces animaux de charcutaille, comme on dit. Comme s’ils n’étaient bon qu’à ça, et qu’en dehors de ça, rien bon qu’à se vautrer.

Château du Grand Pressigny

C’est peut-être vrai par mon foie. Je regrette pas. J’ai été jusqu’à leur trouver un nom, un petit nom pour chacun d’eux, pour les interpeller en leur jetant mes perles, et une poignée pour Frankenstein, et une autre pour Tartuffe et tiens, pour toi, Gaspar, qui a l’air le plus intelligent de tous, avec ton groin d’aristocrate suédoise, tu vois que je ne t’oublie pas.

Grand Pressigny Champs Pois Coquelicot

Et chaque jour, je le reconnais, mon geste perd un peu de sa nuance. J’ai le moignon qui devient rance et mes perles palissent à mesure qu’elles sont dilapidées dans la mangeaille merdeuse. Le compost. Il faut pas en dire du mal. C’est notre condition, notre humus, notre destination que sais-je, notre humilité. Cette matière qui précède la terre, et ensuite il suffit d’un peu d’eau, de lumière et c’est fait, elle donne, des champignons, du pain, du blé, des coquelicots, des châteaux en Espagne. Elle me rendra peut-être un jour les perles que j’ai donné aux cochons. Ou, elle le rendra à mes enfants. C’est pour ça que je l’aime, et c’est ce que je trouve de fondamentalement, d’indubitablement, d’incontournablement aimable dans la terre.

Grand Pressigny blé château

Et cette façon de crier quand les terribles chevaux à moteur du labour vont et viennent sur ses pages marron clair. Ils font ça pour nourrir les cochons, la plupart du temps, tous ces allés et retours, ou les vaches, les bêtes à cornes, les volailles, les entrecotes et les jambons en puissance. Ce sont les saisissants tracteurs de la littérature animale. Et quand j’ai balancé à pleines poignées mes perles encore un peu vermeilles à mes cochons, il me plait d’aller prendre ensuite la température des sols agricoles. Je monte au premier, je prends la clé des champs sur la commode, et je sors.

Grand Pressigny vers Paulmy

Avec mon appareil je capture des morceaux de création pure, des rouges, des verts, des gerbes, des ramifications à pois, des lignes d’horizon feuillu, des châteaux les plus forts et même un jour, un grillon déguisé en antiquité égyptienne. Ca permet de satisfaire mes lecteurs qui n’aiment pas lire, qui ne savent pas, ou qui ont d’autres chats à fouetter en plus des cochons à nourrir.