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Quand l’art contemporain veut polluer les champs

Le FRACFood Research and Action Center? Fond de recherche et centre d’Action pour lutter contre la faim dans le monde? Non, pas du tout, vous n’y êtes-pas, c’est le Fond Régional d’Art Contemporain qui existe dans le Poitou-Charentes et toutes les régions.

Jean Pierre Duchamp en action

Jean Pierre Duchamp en action

Pour le Frac, la culture ce n’est pas du tout quelque chose qui sert à vivre: la culture, c’est le patrimoine. La science, l’agriculture, les modes de vies alternatifs ou traditionnels, présents, dont on a tant besoin, tout cela ne fait pas parti de la culture. Et le Frac se propose non seulement de présenter la culture sous forme de patrimoine, mais de montrer que c’est la ville qui fait vivre la campagne, et non l’inverse. Ce qui a toujours été au fond, l’entourloupe des colonisateurs.

Article sur le Frac Nouvelle République

Article sur le Frac Nouvelle République

Le Frac a donc décidé d’emmener l’art à la campagne, cette pauvre campagne qui n’a pas de culture, qui n’aurait d’ailleurs rien à proposer dans ce domaine. Seulement des choses utiles, vivantes, qui nous changent des banques et de l’industrie planifiée par la ville quand elle ne gère pas le flux touristique. Dans le but de civiliser la campagne, le Fond Régional d’Art Contemporain a donc ouvert, au carrefour de Linazay, sur la N10 entre Angoulême et Poitiers dans l’ancienne chèvrerie, son espace d’exposition.

Tasse de Thé Coloniale de Mac Carthy

Tasse de Thé Coloniale de Mac Carthy

Exit la chèvrerie. Linazay, une architecture reconfigurée de Jean-Pierre Fauvel (une architecture tout court, ce n’est pas suffisant). L’art contemporain conçue comme un gag, c’est le patrimoine de demain, un ensemble d’œuvres des collections évoque, avec la Colonial Tea Cup de Paul McCarthy, le monde ambigu des attractions et divertissements forains.

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Manège Sanitaire

Manège Sanitaire

Ce qui a évidemment révolté notre grand artiste vivant, les pieds dans la boue, Jean-Pierre Duchamp, dont l’action populaire, postale, utile, rurale, est ancrée dans le quotidien et les besoins nouveaux de l’humanité, tant sur le plan de l’énergie que de la société. Mais il est évident que pour le FRAC, l’art n’est forain qu’à condition de fabriquer des manèges où les enfants ne peuvent pas monter. Pour Jean-Pierre, un manège doit servir à des enfants.

Il se souvient de son premier manège fort apprécié par le peuple de France et de Navarre, construit avec son ami Gilles Restany, manège qu’il avait d’ailleurs appelé manège Marcel Duchamp (en hommage au dernier bidet de l’histoire de l’humanité, toujours très apprécié des anglais). Entièrement conçu avec des bidets, donc, des lavabos et des baignoires, ce manège avait fait le bonheur des petits et des grands dans tous les villages de France. Pourquoi le Fond Régional d’Art Contemporain n’a-t-il pas mis le manège de Jean-Pierre Duchamps à l’honneur? Pourquoi faut-il aller chercher l’horrible tasse rose de Mac McCarthy, où personne ne peut monter, pour faire semblant de représenter l’ambiguïté du monde forain, qui du coup paraît bien moins ambiguë que le FRAC?

La culture pratique pour tous

La culture pratique pour tous

Mais on comprend cette ambiguïté. La campagne, n’a jamais manqué de culture, elle en est même le berceau, culture reléguée en agriculture sous prétexte d’éduquer les masses boueuses et ignorantes. Il s’agit, en vérité, de coloniser l’imaginaire des gens qui peuplent nos villages. Mais voilà que grâce au mouvement postal, la campagne peut fort bien se passer du Fond Régional d’Art Contemporain. La dernière œuvre de Jean-Pierre Duchamps, la brouette bleue, en est la parfaite illustration.

Jean-Pierre Duchamp: sans ânes pas de culture

Jean-Pierre Duchamp: sans ânes pas de culture

Si la tasse rose est une référence visant à séduire Ségolène Royal, il fallait une couleur de droite, visant à imiter le ciel. La brouette sera bleue. « Car l’art doit savoir être de droite, aime affirmer Jean-Pierre Duchamps, l’art a trop souvent été de gauche, et à force d’être de gauche, il n’arrive plus à se débrouiller. C’est pourquoi je veux faire des objets qui permettent aux gens de se débrouiller. Comme la brouette bleue. Je voulais faire une œuvre pour le foin, parce que maintenant, depuis que la culture est aux mains du FRAC  et l’agriculture aux mains des technocrates et des banquiers, ils ne sont plus capables de nous faire des bottes de paille de moins de 200 kilos ce qui n’est pas pratique à transporter pour les gens comme moi, qui continuent de faire de la culture à la campagne et pas de l’agriculture. C’est comme leur colonial Tea Cup, tout est surdimensionné. Et nous, les petites gens, on aurait besoin de petites bottes de paille, pour transporter facilement et nourrir nos ânes.  Au fond, le gigantisme, c’est utile à peu de gens, ce n’est pas populaire du tout. Et ça n’apporte rien aux ânes.

L'artiste du coup de fourche!

L'artiste du coup de fourche!

Car Jean-Pierre Duchamp ne conçoit pas la culture sans les ânes, pas question de transformer son asinerie en salle d’exposition, et du coup, transporter le foin est pour lui un vrai problème, c’est pourquoi il a conçu cette brouette à foin. On l’a compris, la culture, c’est la vie, la vie de tous les jours, la vie des hommes, des savoirs, des traditions. Le mouvement postal a d’abord été conçu pour permettre à la culture humaine de lutter contre le gigantisme industriel de l’agriculture et des tasses roses. La culture vient des champs, et la ville devrait s’en inspirer.

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